Euthanasie – Témoignage de patient

Euthanasie – Témoignage de patient

« Ma souffrance psychique est insupportable, mais je veux une fin de vie digne. »

Cet appel à l’aide d’une personne résidant à l’étranger a atteint notre cabinet. Nous proposons ici un récit anonymisé de notre correspondance avec ce patient, pour illustrer toute la complexité de la situation. Nous exposons aussi en fin d’article les points sensibles de ce récit poignant.

Sujet : Demande d’euthanasie

En raison de troubles psychiatriques sévères depuis 12 ans, et pour lesquelles aucun traitement médicamenteux ne s’est avéré bénéfique, je suis dans une souffrance psychique insoutenable et constante. Il y a 3 ans, j’ai déjà introduit une demande d’euthanasie auprès du Dr […]. Ma demande a été refusée parce que le caractère incurable de la maladie n’a pu être établi. De plus, mes psychiatries traitants refusent de communiquer mes dossiers médicaux. Pourriez-vous m’aider dans ma démarche ?

Nous avons ensuite expliqué les conditions d’une demande d’euthanasie en Belgique. Nous avons souhaité beaucoup de courage, de persévérance et de patience à cette personne pour supporter la souffrance jusqu’à l’obtention d’une approbation. Malheureusement, le problème était plus complexe que ce que nous avions d’abord envisagé.

Sujet : RE : Demande d’euthanasie

Dr […],

Je vous remercie pour votre réponse détaillée concernant la procédure à suivre pour obtenir une mort digne grâce à  la reconnaissance de la souffrance et aux conditions encadrées de l’acte permettant plus de douceur et de respect que par un suicide par overdose médicamenteuse ou sur la voie ferrée.

 Je ne pense pas que mon médecin traitant serait disposé à m’euthanasier. Il va donc falloir que je trouve une autre personne et, très honnêtement, je ne sais pas vers qui me tourner.

 De plus, si j’ai bien compris, il faudra que ce médecin collationne les rapports médicaux de deux psychiatres, dont l’un serait mon psychiatre traitant, afin d’effectuer le dossier final pour la Commission.

 J’espère sincèrement que les psychiatres seront compliants pour donner suffisamment de données médicales afin qu’on puisse établir l’incurabilité de la maladie. Je crois que c’est difficile pour un psychiatre d’accepter que tout a été tenté, même si le parcours en psychiatrie avec diverses hospitalisations et traitements mis en place, n’ont pas été concluants. Je sais désormais que j’ai une ‘carte mentale’ défaillante et qu’aucun médicament ne peut rétablir cela. Il m’est impossible de vivre, de ressentir ce qu’il faut pour fonctionner ‘normalement ‘. Chaque journée est pénible et j’ai hâte d’être soulagée.

J’espère que je réussirai à solliciter les bonnes personnes et que les démarches seront assez rapides.

Par la suite, nous avons encore souligné toute la spécificité d’une procédure pour une demande d’euthanasie pour souffrance psychique insupportable. Nous avons entretenu le contact via quelques conversations téléphoniques et, au final, deux grands points sensibles sont ressortis dans ce dossier :

  • D’une part, le fait que le patient ne pouvait pas obtenir ses propres dossiers médicaux. Le médecin traitant pourrait solutionner cette situation, en prenant directement contact avec le(s) psychiatre(s) traitant(s) pour demander les dossiers nécessaires. À noter que la loi belge prévoit le droit du patient de réclamer son dossier médical, ce qu’on ne saurait lui refuser.
  • D’autre part, un problème semblait insoluble : le patient n’était pas en mesure de se rendre à plusieurs reprises ou pour un plus long séjour en Belgique. Cela fait qu’il est impossible de développer la ‘relation thérapeutique avec le médecin traitant’, qui est obligatoire.

La relation thérapeutique, somme toute personnelle et humaine, est la pierre d’angle de la procédure. Sans cela, en tant que médecin, il est inconcevable d’accepter la demande de terminer une vie d’homme ou de femme qu’on ne connait pas.

Il n’est pas aisé de construire un tel rapport à distance, au-delà des frontières nationales. Les moyens modernes y apportent des solutions, mais rien ne remplace la rencontre et le colloque singulier entre médecin et celui ou celle qui demande son aide à l’appui de son expertise.

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